mercredi 6 mai 2009

En rêvant dans une île / Partis / Trop Trou d'mémoire

PARTIS

Dans la plaine bouquets de champs, de fleurs, des bouts de ville, c’est rude aller venir, vélo à pied, toboggan doux, tapis ondulant, circulation au raz de la plaine… les pieds et les pierres.
Qui me ressemble ?
Jean avance de mauvaises raisons en la situation, un discours de vraies bonnes intentions, en refus des contraintes “je suis libre”. Il bafouille un piège, tisse sa toile et dégringole, une aile au dos. N’arrive jamais. Avec retard.

Partis ! Vivre tous les trois dans une grotte en forme d’iris, lit creusé par une rivière asséchée l’été.

À vélo arrivé sur le plateau je cherchais une maison à louer — une ferme carré en rectangle blanc de l’île. A cinquante mètres voisine une maison neuve avec WC, salon de magazine, la fille se montre. Elle a éjectée la grand mère, elle eue peur muchos pesetas.

Jean et moi étions partis pour la montagne où habiter. J’avais mon vélo, il en vole un trouvé dans un buisson. Sur la route, d’une maison un homme hurle, je me retourne, Jean court à pieds. “Je gravis la montagne, toi par les lacets”.

J’avais trouvé un aggloméré de petites boules en plastique isolant, blanc, en forme de losange fiché dans le sac, aile au dos de Jean, Chute, il n’arriva jamais, revint le soir, de la neige au fond de mon sac.

Pendant les rêves c’est toujours des hypothèses. Des amis à Sami avaient une maisonnée dans cet endroit sauvage et trouvé la grotte.

Marie L’or me disait il est difficile de vivre sur la montagne de l’île. Symbolique. Plusieurs suicides depuis la falaise, au bout de l’unique route de l’île qui va au port à cette jetée. Les voitures fauchent sur cette route étroite. On y sacrifie des agneaux sur ce plateau. C’est un paradis méritoire. Tout ceux qui y vivent flippent. C’est une grâce d’y vivre. Mais attention j’ai vu moi aussi une famille entière débarquée là-haut et repartir en catastrophe : un cauchemar.

Je n’ai pas prévenu Marie L’or rentrée à Paris, je ne la voulais pas comme fée qui se penche sur mon berceau. Bonne fée tout de même en partant elle à laissé le Yi-king. Sami, l’a lu de bout en bout comme un livre. Merveilleux esprit ! Pas superstitieux.

Trop de concomitances symboliques, les amis, l’exemplarité de chacun réuni autour de toi, est une approche rare de cette familiarité poreuse.
Le rêve continue pendant l’éveil le même rêve.
Un rêve lucide, une continuité, que la conscience a interrompue — aucune vérification possible, dans le désordre le plus total — essaie de s’évaluer.

Un visage.
Une mémoire machinique de sa succession… le petit à petit l’alternance… la clé des mondes pour être en ce monde ? Les intermédiaires, l’équilibre des parties opposées, communicants les unes aux autres la situation.

Rêver pour équilibrer les mondes.

Un kaléidoscope (du LSD !)

Revivre, dans la lumière, par inadvertance.

Un puzzle, qu’est pas encore en état.

“Bribes mal-jointes, tout est à faire, la cristallisation d’une mélodie, d’un poème dont le thème ou les rythmes sont déjà objet d’enquête, le pressentiment d’ébauche… Mille essais infructueux… solution inespérée… une féerie…” Caillois.

TROP / TROU D’MÉMOIRE
FÉERIE

Déception — Retourner une deuxième fois sur l’île pour, ravi, être déçu.

Caillois :“Une aisance qui déconcerte, un chef-d’œuvre qui ne déçoit que lui. Car il tient d’une féerie l’image qu’il en conserve… une illumination, qu’il reste à transformer en une architecture impeccable, de mots, de sons, de formes ou de pensées. Ce rêve, qui stupéfie sans pouvoir bâtir, n’y suffit pas… pourtant la nature et la qualité d’une illumination demeurent en proportion exacte du labeur et de la valeur de celui qu’elle éblouit”.

“Tu dois ne rien attendre de moi” dit Sami.

Je pensais à lui sans rien oser.
Je suis arrivé ici je n’osais croire.
J’était tellement patient que j’avais oublié.
Je ne prétendais plus à rien, l’ayant retrouvé.
En une première semaine je l’ai vu deux longues fois.
Il m’a appelé discrètement à l’aimer,
allongé à côté de moi il s’écarte ;
l’œil allumé il s’en défend avec cœur ;
et libre à 19 ans il ne veut que passer.

Je le caresse, gentil et perdu comme moi, quand il ne fait qu’hésiter, dire “je ne sais pas”.

Car si nous vivons dans une grotte tous les trois… arrimé au lit, pour écarter les dangers, se protéger des mondes extérieurs “je les déteste tous”, le lit, un autre monde, pas par érotisme effronté, ni paresse, quoiqu’un peu, mais pour la nonchalance, la douceur des rêves, de l’indéterminé, vivre comme on nage, indifférent au but, dans un lit “comme un poisson dans l’eau” récupérer les forces, revoir le monde, de l’antre des draps, le voir naître… Sami dit : “moins j’en fout, plus y’s’passe de chose dans ma vie”.

Je voulais écrire ce livre avec lui.

Le temps m’est kaléidoscopique, en relief, selon les niveaux, un moment du temps, sur le prisme, tu le vis sur le moment, tu le quittes, tu vas vers d’autres, aux passages, on évoque d’autres lieux, d’autres gens, derrière chaque moment, un grain de souvenir. Voir, pas une photo, mais autant de photos… la pierre philosophale… la pierre grandit par prismes égaux… chaque ajout fait une somme apposée, un kaléidoscope.

À la fois vu et ressenti. Sur le moment une attention qui se souvient déjà de l’effet réfléchi.

Le mouvement c’est ouvrir et fermer les yeux…


L’homme et la femme, la clarté et l’ombre, la joie et la tristesse, chaque chose appelle son opposé, son ensemble ; va et vient, alternance.

Le rêve lucide ne peut être fixé. Seul un mouvement perpétuel le dirige.
On crée le monde par le mouvement.

Sentir proche le monde dans lequel on veut rentrer. C’est peut-être cette proximité là qui fait le rêve.

Le premier pas, approximation du mouvement, approche évaluée. À chacun son mouvement.

Le mouvement = l’opposé constamment alterné.

— On part pas par les mêmes chemins.
— À chacun son mouvement, mais c’est le même chemin.

Il arrive de rire en rêvant. De se réveiller de rire, pour continuer de dormir aussitôt, jubiler d’être génial, démiurge de tout.
À toute vitesse chaque situation on l’invente, une fraction de millième de seconde avant le gag, on l’imagine, le décor et la réplique du personnage, sous la peau de toute chose, pensée.

Mais, le rire : de civilisé ou de grande peur ? Civilisé de le savoir.

La fiction c’est le luxe. Sous la peau de toute chose je m’absente de toute histoire.
J’y demeure au gré de mon seul regard, du droit de choisir.

Des tempes qui s’élèvent, un bas de visage triste qui tombe tout raccroché au nez, pif de montagne qui bouge avec ma bille de clown, obstinée, inspirée.
J’ai la tête qui penche, je ne sais de quel côté, la rectifier.
Ying yang c’est ensemble.

Même savoir ne pas faire durer une bonne situation, un accomplissement.

Au lit est la vie.
Situation médiane, médium, pas évidente, mais on la vit tous, et elle se définit médium.

O lier la vie.
Le dormeur pourrait voyager tout le temps, on le retrouve à chaque fois dans son lit. Autour de ce lit, on sait ce qui se passe, un quand à soi crédible, l’écart, où il se refuse à toute histoire pour les invoquer toutes. L’art d’être coupé du monde pour y participer. Une éclipse totale pour s’y retrouver.

La fatalité ne serait-elle pas aussi de ne jamais se connaître ? À cause du rêve, compris mais tardif.




http://decidemarcel.free.fr/

Aucun commentaire: