mercredi 6 mai 2009

En rêvant dans une île / Une île à la vitesse de la terre / Bleu

Une île à la vitesse de la terre

Je voyage. Présence des voyages d’hier à aujourd’hui.

C’est dur, de voyager à sa petite vitesse dans un train. Il faut le savoir ou bien rêver ? On trouve ça triste quelques fois un train qui passe.
Toutes les utopies de mes voyages passés ! Aujourd’hui c’est dur, un filet au ballon rêvé, à l’oubli.

Les usines sont les plus belles architectures. Grands cubes striés d’alliages de fer, immenses boîtiers légers, œillés de verrières ; carapaces d’insectes, gonflées, de l’intérieur, vers le haut dominateur.

On va pas me reprocher d’être planqué, parce que j’ai l’œil à tout !

« La lumière de juste » c’est la librairie rue des Moines dans mon quartier parisien. Un avion détourné, trois mémés groupies s’informent et pépient autour de l’épicier qui répand la parano.
Un jeune homme pris en flagrant délit de fauche d’une revue y est retenu, à l’heure où tout le quartier défile ; on lui fait la leçon, discours, salon. J’ironise, on me retiens aussi. Mon amant, le jeune garçon qui les aide par intermittences, me confie : les vieilles planquent souvent un magazine volé dans leur journal. Moi j’dis rien.

De longs toits fin d’une longue maison filent, en éperon sur la colline des hommes, terminent l’île. Voyager ? Il faut rêver à ce qu’on voit, le front collé contre la vitre froide.
La nuit, c’est familier.

D’un vieux compartiment S.N.C.F., la fenêtre : l’écran, du flou, de l’incertain, des transparences habillées dans l’espace, des bouts de rien, une géométrie de paravents différés, remplacés ; des clignotants, des dentelles d’arbres, et du vent ! Des vacances à la fenêtre, 4e côté où tout peut être redonné.

J’écris parce qu’il me souvient dans des interstices des paysages de nuit par la fenêtre du train troué, traversés de ponts de lumières, de coudes, relais des parties d’un corps, clip architectural de la terre, décor à vue de la vie, impressions d’un développement (physique) d’une mémoire sculptée de fiction.

À la douleur un seul remède, la confiance. Confiance dans ce qui va arriver. Chaque homme a pour crime de tromper la confiance qu’il a dans le monde. Le mal c’est ça.

Déçu f’peux tout créer.

Je ne veux pas d’histoire d’amour. Je veux l’amour.

Je ne veux pas d’histoire. Sinon des Aventures Autres. Jeux d’Artifices !? Remake des Enfants Terribles. Si l’enjeu est menacé c’est qu’il y a une histoire.

Pour protéger l’enjeu de nos mythologies, des multiples possibles, « je ne veux pas devenir » chante Élisa. Lili la complicité tu la veux à présent petite et voyageuse ? Je veux ta foi pour rêver, aux multiples possibles. Le feu est partout. Voyager. Un centre à l’extérieur, en pays étranger. La tête malléable, mille foyers.

… S’habituer à être fluide, l’aimé qui accorde.

… pour être flippé je suis décontracté !


BLEU
Des petits bouts de châteaux en Espagne, en stuc, en briques, jouets cassés, faux, compilés, salis, oubliés collent aux maisons brunes et vertes de pierres végétales.

Signes. Les français surveillent ton degré de dignité, affichent leur peu de liberté sur eux, en surface. Les espagnols sont simples. Ils t’observent pas des pieds à la tête. La grimace, leur dignité est muette.
Apparente indifférence muette des peuples, en voyage.

Le circuit touristique est ringard, nul, bordélique, désuet, et cher… Le tourisme espagnol, étranger au pays, c’est des vieux stocks de Prisunic vendus au prix fort.
Le vent s’engouffre dans le ventilateur du train, hurle comme une scie.

L’après-franquisme : le tourisme.
Le pays est ailleurs.

BARCELONE. Je compte et recompte mes sous passant d’un trou du budget au budget retrouvé, décompte minutieux de ce qui est perdu, une consolation pour ne rien perdre, de le journée en segments, en heures de dépense ; la vision méthodique du temps décompté d’argentier. Juste une ville : à vous bouffer.

Les garçons d’Espagne ressemblent à tous les garçons de France, toujours bruns-rare rouquin-Reno-doré-je pense à toi à qui j’ai dis je pars pour mieux t’approcher.
La Sagrada Família. En grimpant dans l’une des deux plus hautes tours creuses d’escaliers en colimaçons juxtaposés, en levant la tête ai dessus d’un couloir d’espace vertigineux, levant la tête, un crachat, de l’eau sur ma tête, un petit garçon rit de sa farce plus haut, s’éclipse. Bénédiction ou insulte grave ? Furieux, indécis, je suis ravi.
SUR LE BATEAU.
« — Alors toute action est un mal ? Répondait Kim.
— S’abstenir d’actions est un bien, sauf lorsqu’il s’agit de s’acquérir du mérite. » Kipling.
Avoir confiance même quand ça n’est pas dit ?
Élégant. Voilà c’que veux être. Mais la vie n’est pas élégante. Alors je fume comme un dératé. Je cherche des fatigues à me perdre.

(L’île en vue)
Dompter le bleu,
le liseré bleu,
le bleu plus éclatant le long de la côte
jusqu’où vont les baigneurs.
Dompter le rêve.

D’instinct ne pas s’occuper du circuit obligé des autres, faire ce qui plait, aimer ce qu’on fait, et ceux qu’on rencontre sans les chercher.
Ce qu’on aime chez les autres c’est la liberté. L’autre, c’est une forme personnelle de liberté.

J’aime les sexes mais j’aime les gens asexués.

Intuition d’un voyage initiatique, christique.

Christian, passeur, chauffeur de grand hôtel à Paris, est venu à moi entre deux bateaux et me conduit à travers toute l’île à moto, à la recherche d’elle. Partager une maison. La rejoindre.
Le tour de l’île, minuscule, miettes à touristes. Adresse postale, courrier-retard. Écho de son périple, enquête, une journée, le bon chemin, fine ligne de sable, à moto, à travers champs la nuit, si familier, infini.
Au Blue Bar, en travaux. Au bord de mer.

Sami, mignon avec une tignasse enturbannée, une petite dent de travers, une tête de petit garçon, caressant.

Christian — T’es pas doué… qu’est-ce que tu sais ?… à part trouver les garçons mignons.
Sami et Jean au bord de mer, deux gentils garçons en retraite, habillés de pulls des poubelles, mangent des coquillages et travaillent.
J’ai sucré mon argent de poche en trois jours, riche et pauvre c’est pareil. L’épicerie du monde c’est le vol.

Nous sommes des enfants.

Plages et prairies confondues. Les fleurs sur le sable.

Ici c’set la jointure orient / occident.

Pour les hippies c’était la halte, aller, retour. Rester, partir ? Ne pas savoir que choisir ? Mais le déracinement c’est notre liberté. La végétation, quasi-inexistante, l’est, à cause du vent.

Les champs en fleurs ressemblent à ceux de Bretagne.

Elle a trouvé un gérant qui nous enjoint à se restaurer ensemble avec Christian sur le port. Un carton ! Christian et moi vexés.
L’impression de payer la note à deux. Le gérant du Blue Bar draguant des clients ne paie pas. Elle — au petit plat —trouve ça normal.

Marie L’or comme toutes les filles, veut parfaire le garçon, rendre sa grossièreté moins lourde, veut le changer petit à petit, sans rien dire, le cleaner. N’ayons pas peur des généralités, c’est comme si les femmes s’identifiaient avec l’amour que les garçons (mais qui nécessités maintenant s’aiment) et toujours une fille veut transformer le garçon, le parfaire, discrète. Marie L’or et moi on est semblables. D’un trop d’imagination on voudrait en faire quelque chose, et on est déçu, de n’avoir eu que peur, que le résultat n’est rien. Le comble c’est qu’on est déçu.
Se retirer sans se détourner des ses principes, impossibilité d’agir, se retirer, noble.
Réveils fantastiques.
Sami : à dix ans j’étais très amoureux mais triste. Toujours quand je suis amoureux, faut que la personne soit inaccessible… Puis la grosse Véro… amoureuse de moi… quand je relis ses lettres, je m’en veut, je lui faisais des trucs, je referai plus. Je me suis promis d’aimer la prochaine fille. Je me suis dis le prochain qui m’aimera, une fille, un garçon, n’importe ; je serai attentif mais on peut pas, on est pas Bouddha.
C’est pour ça que je zone, je voyage.
À l’école j’aimais pas la façon d’enseigner, l’esprit, pour ça l’école, j’ai quitté. Quand on est enfant, amoureux, ça s’passe mieux. Plus tard le monde autour c’est dur.

Moi : plus tard c’est encore mieux, aimer l’autre c’est accepter son tempo, faire avec le tempo du monde, se réadapter. L’inaccessible devient accessible, une complicité si intime malgré l’impossible. C’est unique. Lili.

Ah les filles ah les filles
faut toujours les attendre
Ah les filles ah les filles
sont-elles toujours tendres
Ah les mecs ah les mecs
eux ils veulent être tendres
Ah les mecs ah les mecs
qu’est-ce qu’ils peuvent bien attendre ?

Intime apprenti du nouvel an 86, j’étais le presqu’ami d’un cinéaste-débutant, victime d’un premier amour… Je le connaissais mal, mais il s’avérait immédiatement ce soir-là que j’étais son seul confident, son intime parmi ses amis.
Et je faisais le va et viens entre sa maison nichée dans une grotte, et la maisonnée plus bas où des jeunes pus “rue” jouaient de la musique, amoureux que j’étais d’un ange qui se trouvait dans le train pour venir. À l’aller on se regardait, lui mascotte d’un groupe de plus grands, il m’offrait en regard sa silhouette contre la vitre, le soir au coucher de soleil.
Je l’emmène à la fête de la maison d’en Haut puis à la ferme des parents. La victime passe. Et au lieu de donner mon adresse à l’enfant, moi toujours prêt à me l’effaroucher… il s’en va.
Puis la sœur de la victime me dit : t’en va pas ? c’est dommage pour toi — tu travailles plus avec lui si tu pars tu perds tout — Il est flippé — Pars pas.

Pris entre mes deux destinées qui m’échappent, je m’enfuis et m’endors avec la première voiture venue, qui me mène au réveil juste devant chez moi à Paris.
Confident des privilégiés, et des innocents de la rue, mon incertitudes au malaise des premiers, et au confort malaisé des seconds, font que je ne me situe pas, et mon romantisme me fait fuir.

Je voudrais tout, et tout est imparfait, et tout est de nulle part et repart. Je prend comme une prière, et je jette.

Impatience d’aimer un garçon. Je ne suis plus ferme, je cesse, de trop de possible, je ne sais plus quoi tenir. Enfin j’affole, j’intimide. Mais je garde près de moi, quoi qu’il arrive, l’amour des petits.

Marcher avec eux deux la nuit sur l’unique route goudronnée de l’île qui la tracerse de part en part, sous la lune et l’immense coupole.

L’île. Le café La Founda Pepe. Babs. Le parasitage du parasitage, dit Jean. Le décor habituel. De la vie. Et moi avec l’ange. Qu’est-ce que je fais avec l’ange ?…
« L’ange-choux fuck me haha »… me répond un cadavre exquis que j’ai proposé à Sami, Jean, et à leurs amis punks.
— J’ai eu l’impression d’un bad trip, me dit-il, j’ai eu le flash que ça t’a pas plu.
— Oui mais c’est égal, les clichés obligés, l’ironie de la vie surexposée avant connaissance, graffiti punk.
— Oui la provoc des provoc, ça a ses limites.

Vagabonds de la route, des villages, gentils zonards des faubourgs, poulbots de la Foi, avec des sourires amicaux…
— Ah bon ! Et toi, la foi ?
— J’suis un voyageur, je fais pas avec le monde.
 Je fais ce qui me plait même si ma place est petite. Artiste ?… je ne sais pas me vendre… et la retraite est nécessaire… continuer à être amoureux, et protéger le rapport à la connaissance. C’est quoi ta foi ?
— Se poser des questions ; je suis seul, j’ai plein de potes, mais j’voulais plus assurer, dans une bande, tous accrocs les uns aux autres.

Christian est jeté par l’homme en place. Chrisian m’en veut un peu de rester. Il s’en va content et déçu.

Ils étaient quatre enfants, Sami “l’Ami de tout au monde”, Marie L’or, Pascal et Jean. Amour et connaissance ?, ils sont caressant. Ils ont l’amour du petit, tout dans un petit endroit, le voyage, le vent.

Ils étaient quatre enfants et un papa, le Grand Michel de 50 ans à béret rouge et à grosses lunettes, de se cacher vieux bab pied-noir, patron qui méprise et sous-paie ses deux ouvriers, mes amis :“ ils puent ”.
Elle m’invitait à partager une maison, on partage le Grand Michel. “Inspecteur des travaux finis”, dit Jean. Il vit à crédit, folle, folle, folle à s’installer, il n’en revient pas lui-même, et rien ne compte que son club aux allures de Saint-Tropez.

Marie L’or petite fille porno très maîtresse femme du patron, tient son rang, revenant d’un dîner dans la colonie française — nombreuse — pleine de condescendance pour les “petits”, campagnarde sincère, avisée et tourmentée, si jolie… (très contente de nos rapports “intellectuels”).

Elle se dit en sécurité, mais la situation est périlleuse de me prêter un peu pour le retour. Ou pour rester. J’ai déjà mon billet et plus d’argent. “J’aurais pas dû t’inviter”. De là à surveiller ce que je grignote, — affamé, dit-elle.
“Ne voyage pas, reste à côté d’un grand magasin pour voler et te faire nourrir, ne voyage pas”. Une maman.

Voyager pour faire le point, avec en rapport le système métrique !
Libre à quel point ?
Rêver sans rien posséder. Rêver avec les garçons. Les instruire, les nourrir, les aimer. Être aimé d’eux dans l’immédiateté, la netteté.
J’suis toujours complice de l’ange. Ils sont complices de mon ange. 19 ans à recommencer, le sexe noueux comme une racine, la modestie gracile, l’espoir comme un nonchaloir, une douceur bleutée.




http://decidemarcel.free.fr/

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