mercredi 6 mai 2009

En rêvant dans une île / jour et nuit / secret / Lili

JOUR ET NUIT

J’ai partagé une fois avec Sami.

Sam p’tit grand-frère des âmes (p’tit-frère des grandes âmes)
j’me suis pas assez dénudé et il n’y a pas de danger. Si je n’ai pas dit ma maladie j’étais en pleine sincérité. Le monde, tout, qu’on cache, le démon, n’entache en rien quand on se fout de destin avec précaution. Avouer ses maladies ne change rien, attentif à l’ami, T’es presque rien, tu musiques l’exhalaison. En harmonie tout n’est pas dit.

il ne faut pas
le dire
l’harmonie on peut encore
l’expliquons le dire
laissons
l’harmonie

Sami enlace la surface,
entre la terre et l’infini
trace le bleu, l’espace.

Les enfants des gitans jettent les bouteilles d’alcool vides dans ces rues pour touristes qui bordent leur quartier, peintes d’un bandeau blanc. C’est normal, l’alcool vide leur rue.
Que leur font leurs grands frères bébés voûtés abêtis, bières à la main ? Un flottement. Le plus petit appelle, s’impatiente, grimpe l’escalier à genoux, rejoint les deux grands et pleure : ils s’en vont.

Dalida est morte.

Sur le bateau du retour je cherche des français, une voiture qui va à Paris.
Je me fais accoster par deux flics espagnols assez agressifs pour “mendicité”, ils veulent me voir le lendemain à la sortie du bateau pour vérification des papiers d’identité au commissariat du port ! C’est leur fameuse Campagne de Printemps ; un peu de nos Campagnes de sévérité françaises.

Chanson

Fou ! Fou ! Fous ! Fous ! Fous-toi de tout ! Fou ! Fou !
Détache un frère, défaire et refaire ? Pleurer d’inventer !
Fous ! Fous ! Fou ! Fou ! C’est un peu fou entre les deux !
y a bien un peu !

Sam est détaché de tout. C’est ce qui m’a attiré. Les copains de Sam lui reprochent son détachement. Il me l’a répété. C’est ce qui m’a attiré.
Voyager sans retour, sans se retourner, assurer et s’en foutre, et tout trouver. Il se fout de la mort parce qu’il sait renaître. D’amitié.

Dans la camionnette du retour, le jazz. Jeanne Moreau déambule, libre, détachée, dans les rues, la Notte. Heureusement toujours Jeanne déambule par les rues sur un air de Jazz ! Aisance moderne, indifférente dérive parce qu’ayant pardonné et recherchant encore. Et son mari on la regarde, jaloux de sa liberté. Régénérée, elle invente, en roue libre.
printemps 87

Non loin de Formentera au nord de l’île, un pic rocheux, étrange, irréel, impressionnant, menaçant et lointain et visible, pointes noires, l’île aux sorcières dit-on, autrefois on les bannissait sur ce minuscule trident pour les laisser mourir — une légende — Une manière de purifier Formentera. Autre seuil. Rite funéraire pour un sanglier blessé.
Marie L’or est aussi sexuelle et enfant que moi, Amené par elle, au seuil, deux moines, par l’envers, possible.

Les correspondances entre toutes choses, les coïncidences, c’est normal, il faut pas s’en étonner ; trouver ça beau mais pas ne devenir superstitieux. Il y aurait un paradoxe, d’un côté des correspondances, de l’autre trop de correspondances, tout monter en un système, une histoire de fou, dans laquelle tout doit entrer.

Trouver ça beau, utile, divin, et relativiser, cesser d’y croire.

La mesure. Le passage.

Là où il y a un ange, il y a un diable. L’important c’est la mesure, l’entre-deux, tenir compte de ce que l’on sait, le passage.
Comme si j’étais resté fixé sur un trip : tout est beau, mais la vertu d’une île c’est que tout est rude.

À la ville pourquoi les mômes aiment les explosions, les voitures qui cassent, les films où tout se fend, se brise dans la vitesse ? Parce que tout correspond, tout concours. À la campagne on humait.

SECRET

J’ai rêvé de Sami et Jean, on campait en plein air, toujours dans la campagne, les sous-bois, on frôlait les villes à la recherche de hash, fréquentant les vieux restes des hippies, zonards, clodos, arnaqueurs, et nous étions hélés, jetés par les propriétaires comme nous pique-niquions près d’une maison. Je trouvais un lapin, le perdait, Longtemps je le cherchais. Finalement nous le rôtissions.

Ferme les yeux. La conscience fourmille de mille points en un point. Pour évoquer une chose, ferme les yeux une seconde, ça doit t’évoquer la justesse de tout en un.

La dualité entre le bien et le mal est trop marquée. Ce serait tout l’un ou tout l’autre. Tout bien ou tout mal, marqué, opposé, sans relations, quand l’important c’est de tout le reconnaître, en tenant compte de faire avec, et c’est le passage..
En être le prêtre.
Genre : je passe aux chiottes après A… : je reconnais cette odeur : c’est A. C’est son fessier : je reconnais son cul : et tout ce que je n’aime pas : son inquiétude au fond.
Il chie : et moi je m’en fous j’ai de la compassion qui attend encore de faire quelque chose, pour lui

“Faire les choses impunis c’est mourir, aveugle, sourd”.
(Pasolini — Œudipe Roi)

Il se tue de ne l’avoir su, de ne s’être pas su, de l’avoir su et de l’avoir refusé, et de se le refuser encore une fois su.
Mourir de se cacher. Éteint. Revis. La vie d’usine. Fils de l’homme.
Roi en son pays en tuant père et mère, et couchant avec mère, le fils à la place des parents c’est évident…

S’il s’agit d’esquiver quelque chose, de jouer des cases blanches, l’absence, le non-dit d’un mort, humble, … dans l’éclipse, l’intervalle, le blanc, de l’œil ; plus blanc que bleu, le regard de Rimbaud, j’ai l’œil plus blanc que bleu.

Là-bas deux fois trois semaines : à la radio un tube de variète italo-français, j’étais ulcéré qu’elle fut aussi stupide ma rengaine du voyage. Ça n’est pas triste de savoir qu’on ne sait pas. Économie de l’Esprit. Pourquoi se mutiler, de l’avoir compris, faut ne rien vouloir, et faire. Y’a un mystère. Être et ne pas être, je cohabite.

Déception. retourner sur l’île une deuxième fois pour, ravi, être déçu.

Ne pas juger. Être ou ne pas être. On veut choisir. Il faut accepter le passage, de temps en temps l’un et l’autre sans s’opposer, sans se choisir faut pas d’histoire, parce que les histoires ça crée des histoires. Il faut savoir parfaitement où tu es, ce que tu fais. Et s’en foutre.
C’est le devenir de l’ubiquité.
Être plusieurs dans plusieurs temps.
(C’est exactement ce que je me disais.) S’il y a des secrets, quelque soit le temps, l’état des lieux, il faut être poreux. Comme l’ombre des feuilles d’arbres sous la lumière.

Tu peux dompter le temps, la mémoire dans ta tête, si tu as bien agi, à tout endroit, et tel autre, avec tels autres gens, su tu as soif d’espaces, tu es effectivement dans plusieurs temps en même temps. Tes actes se souviennent, on se souvient pour toi. Le prochain t’appréhende.
Cette mémoire c’est l’architecture. L’architecture c’est la mémoire, la seule chose que les hommes laissent de ce passé, de cette vie, c’est une ruche, symétrique. Si tu as soif d’espaces, mille activités.

Se défaire de ses enchaînements… écrire ce qu’on peu… c’est se laisser s’appréhender totalement.

Écrivant je veux qu’on m’appréhende aussi dans ma manière de ne pas m’appréhender. C’est ce que je veux en essayant de m’écrire. Entre terre et ciel, c’est l’intermédiaire. Me défaire de mes enchaînements.
À travers le miroir de Bergman, le rêve de Dieu.
Si t’es tout seul à rêver de Dieu, parce que les autres sont lâches et tricheurs, tu finis par passer tout seul, à travers le miroir pour les réconcilier, puisque le va et vient entre le rêve et la réalité est impossible seul… Parce qu’on est jamais assez accompagné, on est l’exclusion qui les réunît.
Tu deviens fou parce que t’es pas accompagné. Fou normal ou fou désigné tu ne peux jamais passer. Alors tu passes pour eux.
À travers le miroir, c’est ce premier plan de quatre personnages alignés, qui sortent de la mer.

… l’annulation, la lenteur, la répétition est jouissance, et l’acte même. Non pas l’exclusion. Mais l’acceptation (de l’exclusion pourquoi pas) le couplage. En amont de toute chose, la simplicité. Sans le faire exprès, mais en prenant ton temps. C’est comme se réveiller tôt le matin, sans réveil-matin.

— Amnésique ? On est tous amnésiques, on passe son temps à ça, à oublier. Dormir. se lever. Insupportable ?
L’éventail des femmes n’était-il pas fait pour cacher ce qu’on montre, un sourire (un sentiment); L’écran noir dans l’éveil, agité, ouvert. Un blanc-noir. Un noir-non. Un blanc, un autre plan brandi, joué, un iris, une surprise, jouer avec d’autres plans, par l’éclipse, en même temps.

Chacun à sa manière de se cacher, a un caractère.
On a peur parce qu’on est éduqué à cacher. On n’en peut plus mais…
dormir, rêver, et puis s’éveiller, c’est comme marcher un pas, puis l’autre. Il suffit de ne rien vouloir… cacher ? Tout n’est pas dit dans l’harmonie. Accepter qu’on se cache. Ne rien faire et tout parfaire ? Mais il faut beaucoup travailler, sur son caractère.
Mais comment faire?… Faire, on ne sait pas faire.
On ne sais pas vivre c’est acquis (comment faire), réfléchir, rêver, tu rêves, tu te caches des autres, qui cachent qu’ils ne savent pas vivre.
Ne rien cacher, tout n’est pas dit.
Il ne faut rien dire ? Tout est dit.

LILI

Je pleure souvent,
je sais que tu es têtue, l’amitié s’est changée en haine crois-tu.
je vis lentement.
Le rythme à deux, le rythme amoureux est le rythme du monde, le tempo nous deux était le tempo du monde.
J’apprend lentement.
Mais vivre l’absence à rebours avec des coups ? Tout ce qu’on ne sait pas faire. Le rêvé répété, affolé. À toute vitesse passe un accordéon d’incompréhensions… mes énervements… je suis accablé !… ta dureté : “Nous avons beaucoup rêvé” disais-tu. Maintenant lent, le mouvement.
Tout s’est tramé, rejoint.
Pour un chant.




http://www.decidemarcel.fr/

Aucun commentaire: