vendredi 8 mai 2009

HISTOIRE AU PINCEAU / partie 3

Dans l’escalier d’une tour, je cours, à grandes enjambées je dévale l’étroite prison de pierres. Ils sont deux, et me poursuivent. Le bruit de leurs pas, brutal et cadencé, résonne et se tait tour à tour, inexplicablement, et résonne encore. Un pas plus rapide me fait vivement me retourner : une fille, je ne sais ce qu’elle fuit dans le même escalier, me jette un beau regard. Corps à corps nous nous précipitons encore plus fort dans les dernières marches.

Dehors la forêt. Nous nous échappons, vite et loin, apeurés, par des chemins opposés. Les chasseurs débouchent promptement de la tour. Dans leur empressement ils suivent de près la fille seule. Je peux la sauver ! Une volonté, celle de voler, grandit en moi. Je m’élève et ouvre les bras. Mais leurs armes à feu, à coup répétés, font de moi une cible qui plane dans l’épaisseur de la nuit, effrayé comme un cerf-volant. Et mes bonds et mes ricochets dans l’air évitent les balles des tueurs. Je délivre la fille du sol, le soulève contre mon épaule. Nous nous éloignons debout dans les airs. Le voyage finit au matin clair… Dans le creux d’une prairie nous nous couchons … Lorsque des monstres hideux sortent de terre. Des couples se forment et des formes se couplent. Un bruissement, une foule en pique-nique se dilate, s’improvise, gaie et confuse, autour de nous. Des voix s’élèvent : “le danger est peut-être écarté… Et puis nous sommes nombreux”… Mais surgit de la lisère du bois, un filet de policiers nous enserre. Je m’esquive aussitôt pour me perdre dans le chemin d’une forêt… Des bruits formidables : un séisme ? Des bâtiments d’école tombent. Des rochers de cartons-pâtes. Des morceaux, légers, restent suspendus aux branches des arbres, s’accrochent à mon pull. Une autre bruit, indistinct… Mais je ne vois rien. Mon chemin s’élève. Je me plaque au sol et m’avance précautionneusement pour voir à la croisée des chemins un espoir (très étrange) passer très vite. Je suis à l’orée du bois, allongé à plat ventre : devant moi une étendue morcelée de champs. Tout au fond de mon paysage, un château… à atteindre peut-être… Mais deux ombres me saisissent. Je me débat et me fais minuscule, et grand comme moi-même… S’ils sont deux, je suis deux… Je ris de les tromper sur ma taille, sans que jamais ils puissent me maîtriser, sans que je puisse jamais me libérer de leur corps et de leurs bras qui se développent dans toutes les directions. Nos gestes se règlent en une mécanique meurtrière et absurde. Nous en reconduisons indéfiniment l’issue.


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