mercredi 6 mai 2009

L’être ange jeté / partie 1

L’être ange jeté


IT’S NOT EASY BEING GREEN
Les déchets d’hier n’annoncent pas le printemps,
plus vert.
Au contraire.
1986


DÉMENT CIEL

En pleine fureur romantique du XVIIIe siècle, l’homme, vêtement sombre et viril, l’homme on le pare seulement pour la sacrifice de la guerre, c’est resté bal des lanciers, toréadors, scouts, corsaires.
J’ai perdu beaucoup de temps et m’ai fait beaucoup de mal, parce que moi aussi je voulais réussir, et ne le pouvant pas voulais me détruire.

Un mal fou à trouver une chambre de bonne dans Paris.

Les vieilles copropriétaires de l’immeuble me regardent de travers, des pieds à la tête, sans répondre à mon bonjour, en mars 86, flippées par la campagne sécuritaire de Chirac, elles me claquent la porte d’entrée au nez, Disant qu’elles ne me connaissent pas. Des tombereaux de Figaro dans les poubelles chaque semaine.

Plier tout à leur hypocrisie, se ramène à un commerce d’épicier, dans mon quartier des Batignolles.

Le téléscripteur :
“Les poseurs de bombes… sous couvert d’être des étudiants sans l’sous…”
La vie, la nuit, l’incompréhension sont une succession de superpositions, qui font sens à un moment donné, on se réveille, quand ça fait sens.
*
C’est quand on élimine qu’on est en possession de ses moyens. Qu’ça coule ! (par exemple) (la merde)
*
DICTIONNAIRE
Église ou Dieu : culpabilisateur depuis la renaissance des lumières.
Flaubert : de la bêtise sociale. On vit tous dans un drugstore. Magasin, médicament, alcool, café, épicier, le joyeux progrès associé au marchand d’âge.
*
Les mots sont difficiles
Le mot “honnête” est difficile à employer, parce qu’on a un héritage, la connaissance de l’idéal raillé, dévoyé. Depuis le Moyen-Âge, depuis l’histoire de l’idéal on a la représentation du sens trompé.
Difficile donc certains mots parce que chargés de leur contraire ; même quand on se risque à l’employer comme neuf, comme transparent, maladroitement.
*
Immatérialité totale

C’est pourrir de rire
*
Un homme encule une femme, elle proteste puis caline lui met un doigt dans le cul, la belle-mère arrive proteste s’accole. Un jeune homme au cou d’un beau grand mec : viens j’ai un cul qui baise bien. Un déplacement en rond en avant qui se resserres d’une foule dans un parc ; comme une machine à étage, une attraction, un gâteau hollywoodien, une architecture monte. Déplacement des jambes, pas et oiseaux, foule qui resserre (rumeur), formation s’étagent, pour s’évanouir par le haut.
*
Immatérialité toute
Hug ! Placide !
*
Montage idéal.
Nos cinq sens périphériques, un montage unificateur. Percevoir suivre une forme dans son déplacement, la continuité, pouvoir connaître toute l’histoire passée dabs ce qu’on voit, saisir le travail de l’œil.
L’œil est une oreille fermée.
*
Je ne regarde jamais derrière moi.
*
Pas seulement idéaliste.
Tout à la fois, tout ce qu’on peut être en même temps… recherche d’un possible mouvement dans le temps, le combat, pas le péché, pas de défaut que des possibilités.
Mais ne plus faire de comparaisons, y renoncer, comparaisons entre soi et l’autre, manque artificiel…
C’est l’individu souverain, moi unique, seul fondement. Je suis racine incomparable. On a pas à se comparer à des réalités imaginaires. Authenticité sans comparaison.
*
Une fête aux Buttes Chaumont, je ne peux y aller. Steph au téléphone raconte : soudain on bloquait tous les promeneurs et on mettait la main partout, je mettais ma main sur des tebé (bites) et des tech (chattes), on les plaquait au sol, et personne ne réagissait. C’était des pédés ou pas, probablement, mais on savait pas,
*
Artaud dans le Môme Artaud parle de son cul, que le cul c’est le monde, et que le sien est bien ouvert, c’est bon le cul d’Artaud. C’est bon le trou du cul du monde. On est l’trou du monde. Alors on fait l’tour du monde ?…
— Enculé !…
— Moi ?
— Tu as essayé l’autre jour.
— Eh ?
— Enfin pour moi le plus tard possible, d’toute façon j’en veux un vierge.
— Mais j’suis un petit cochon vierge.

*

J’AI TOUJOURS ÉTÉ LÀ

J’ai toujours été là, comprenant, sachant dans l’immédiat, être, mais je laisse passer, je regarde l’attitude que je n’ai pas adopté. Enfin non je déménage souvent l’âme dans tous les coins. Mais je souris, contraint.
On est toujours le clown qu’on veut pas.

On s’assimile à sa manière d’être un étranger.

Une gêne devient une fiction.

— Comme j’exprimais ma pensée subite à la constellation de chacun : “J’suis dans l’coton. Pourquoi traîne-t-on à cette heure-ci dans la rue ? Pourquoi les Indiens dans la ville, voilà le problème, la ville”. “Ouais, moi aussi” bourdonnent-ils. Retour de conscience collective, je dis un mot, une phrase, devient le mot de tout le monde. Nous sommes dehors ensemble. Danger de l’état policier, t’as mauvaise mine, t’es urbain. Caméléon couleur de pierres, Désiroche.

— J’ai toujours su écouter, je ne réagis pas toujours, quand je le fais, j’étonne, je suis adopté Spirou, justement des gestes saccadés, les foucades de Jean-Pierre Léaud, libre mais trop énervé, comme si cette liberté avait une nécessité trop contraignante… Décidé, Saccadé, décibel, t’es si belle, désiré, déchiré, déciré…

“Java, l’paradis tourne avec toi à l’envers à l’endroit”.

— Une voiture de flics s’arrête. En ce moment des attentas à Paris. Les flics z’yeutent la zone dans la rue du café Fitzcaraldo, repartent, aussitôt, après une voiture de trois Japs regardent, écoutent, jouent à être d’invisibles touristes. Je réalise, j’en au l’impression place de l’Étoile (— T’as pas l’impression qu’une voiture s’est arrêtée pour nous écouter ?
— Si.
— …juste après le car de flics.
— Si.) et cette fois-ci j’ai vu. J’étais trop déjanté pour ne pas voir. je comprenais que les deux Japs c’étaient des flics, c’était comme une fulgurance, ils utilisaient des agents comme invisibles. Interpol. Ces flics s’arrêtent pour toi pour que derrière l’autre voiture stoppe. Les flics s’arrêtent là où il y a quelque chose à voir ou entendre… s’ils n’y étaient pas.

— Et le ballet de voitures passaient et s’arrêtait, un défilement par groupes de voitures qui s’arrêtaient et passaient, j’imaginais que toutes étaient des flics, là où la première marquait la pose, la seconde s’arrêtait, enregistrait. Prendre la température politique de la rue, avec de lourds magnétos à l’arrière des voitures ? Je riais, car enfin la tranche de trottoir avait un tel bourdonnement. J’avais l’espionite. Bien vue et délirante.
Les correspondances c’est beau, trop de correspondances font flipper.
“Java qu’est-ce que tu fais là ? On attend que toi pour balayer la piste.”
— Sachant être bien dans ma peau… et ne pouvant l’appliquer, comme si le démon s’installait là, dans cet intervalle… de quoi interpeller le Seigneur. Quand j’ai cru en Dieu, le démon s’est éloigné de moi.
Je deviens tourlouboulou. Je tourboulboule. Comme cette fille que je trouvais nunuche (que d’autres trouvent aussi nunuche) et qui se met à faire : “Nu nu nu nu nu”, sa petite musique. J’étais déplacé, ne pas fréquenter des jeunes gens aussi prétentieusement modernes, violent, fous.
“C’est pas gentil d’être égoïste avec tes p’tits potes à toi”. J’ai des fictions de peur, pour moi l’enfance et la mort ne font qu’un, les petits mâles j’aurais tendance à les provoquer.
Pourtant j’aime ceux-là, cette bande, j’ai beaucoup d’affection pour eux, ils sont si gentils, si perdus, si plein de vie. J’ai toujours eu du mal à fonctionner avec les bandes. Pourtant je les aime. Mais je les traverse, juste ça, les traverser pour jouer.
Dans un café “le café noir”, au plafond, l’iconographie est véritablement repaire de “rapetous”. Cette jeunesse malgré elle, hypnotisée, se raconte une histoire, de petite nègre illuminée, projette l’avenir, se protéger en fabriquant sa projection, pour un futur de rapetous.
Donc m’échapper, me retirer totalement de cette fréquentation.
“Java qu’est-ce que tu fais là avec ta mine triste ?” Pourtant si ça faisait tellement mal, j’avais tellement de plaisir par moment, c’était la vie à plein, une complétude. “Je cherche un accordéoniste pour m’endormir dans ses bras.” Je suis porteur sain du Sida, je m’empoisonne moi-même, j’ai peur des autres, de leur fiction possible, j’ai vu un noir à sa voiture, j’ai pensé que je me suis laissé enculer par des arabes et des papas moches, je me dis que le diable, etc., c’est affreux, mais, nous avons tous ce genre de fictions refoulées, un vieil atavisme ignoré, d’ignorances, mais qui nous mènent, tous, à notre corps défendant.
— Mais enfin au début je me disais “Qu’est-ce que je fous-là ? Mon corps de désirs, c’est quoi ?” Mais c’est d’abord réagir avec mon corps trop maigre. Une asperge trop peu constituée pour accuser tous les coups, les respirer, les renvoyer ; respirer les choses avec mon corps chétif.
— Pourquoi tu ricanes ? T’as un rictus.
— Suis-je le pédé que tout le monde sait ? Eux jouent aux indifférents.
Après m’embrassent, se lèchent, s’enculent en paroles.


Quand on s’éveille à l’amour…
Les hommes m’ont déçu y pensent qu’à leur sexe.
Les garçons m’ont déçu y pensent qu’à leur narcissisme.
Ils se laissent pas aimer.
— Quand on a été déçu une fois…
J’ai voulu me suicider voilà le mal.

JE SUIS TOUJOURS CELUI-LÀ

J’ai déplacé l’idée de me faire assassiner, par la bande à Yoyo puisque j’étais au cœur d’une autre famille, donc c’était eux, parce que j’étais parmi eux, quelle histoire !, se croire ou ne pas se croire, les deux en même temps, j’pouvais pas savoir que c’était ça la simplicité. Il faut se croire et ne pas se croire. Accepter. La balance au milieu. Riki revient, j’avais oublié de savoir s’il avait quelque chose. Où suis-je ?
Test subi : il n’a rien.

Je me suis réfugié dans l’alchimie d’une maquette de roman-photo Yoyo, radeau entre ciel et terre pendant un an, car mon flip m’a fait tout lâcher.
*
On d’vient fou parce qu’on a peur du caca, on veut pas, on veut rester pur, j’ai tellement souffert de vouloir rester pur.
L’agression des sensations, c’est bon.

CONTRATS DICTIONS

Un canard, deux canards, trois canards…
D’abord je vous raconte.
Un sketche triste, très triste. Voilà c’est fait.
Maintenant un sketche drôle, très drôle. je m’en vais.
Il revient ! C’est l’histoire d’un mec qui est plein de contradictions, partout, en haut, en bas

des contradictions partout, même sous mes pieds, sur cette terre là qui est couverte de contradictions, sous la semelle, et puis dans la chaussure, la peau, ah, ça la peau, je connais pas, et puis mais dedans, dedans la peau, je connais, dedans le corps il y a plein de contradictions, y a plein de contradictions dans le corps, oui,
ah ça fait mal, remontez l’idée des chevilles par mes jambes jusqu’au reste du corps. Y’a mal au corps. Aïe ! Ah ça fait mal, j’ai un mal au corps du doigt de pied, c’est bête non ?

JEUNE DÉSESPOIR

Travail ? Famille ? Patrie ? Quelle hypocrisie. Tout le monde travaille, beaucoup à voler. Son identité.
On vit dans un mode de vol généralisé et tout consiste à voler plus vite, plus fort que les autres pour pas être pris. Les voleurs de la pleine lune film de Iosseliani. (1)

Ma mère gardait intacts, pendant des années, des décennies, ses meubles, mieux qu’elle n’a su garder ses enfants.
Une obsession que le garde-meuble.
Du vol aggravé, accumulé, thésaurisé que ces meubles. C’est du vol d’enfant.
J’ai toujours été volé. Et je sais que comme tout le monde je suis un voleur (au fond, fasciné par cette circulation si rapide). Les hypocrites font la morale. Du meilleur rendement.
*(page découpée)
De la vaseline pure pour les mains ! Elles sont un peu sèches.
*
À surveiller le teint pâle de mes amis, les boutons ou leurs pets si je n’en suis pas pour quelque chose !
*
VAISSELLE À FAIRE

Pour les jeunes il n’y a que des môôôsieurs et des mâââdâmes, entre les deux ils se refusent à exister. Et s’il y avait autre chose ce serait… pédé. Ces petits conformismes situent la norme ; et l’autrement ?, le rejettent ou s’en vantent. Mais leur cul est serré.
Par crainte d’être, autrement qu’un môssieur et une mâdame, ils définissent l’impossible liberté, que par “pédé”.
*
L’enfant du film L’Argentine, interrogé par Schroeter (2):
— C’est quoi la démocratie ?
— Rien.
— C’est quoi la liberté ?
— C’est vendre. C’est voler. Pouvoir foutre le bordel.
— Tu rêves à quoi ?
— …Rester toujours dans la lune.
*
Sans concessions être ce qu’on est, et savoir être en s’ignorant, sans se forcer, tout savoir et l’accepter.
*
Faire face m’angoisse, même de poser les choses comme ça, m’angoisse. Car il ne s’agit pas de cela.
Aux rêves héroïques, aux crétinneries matérialistes de notre époque, qu’être sinon un héros, qui n’est personne ?
*
À la TV débat sur l’école, 80 % des parents se désintéressent des études de leurs enfants, ne dialoguent pas avec ce qu’ils y font.

Le désert de France.
*
“Les enfants n’apprennent plus rien à l’école” s’expriment les plus grossièrement incultes des citoyens. Voilà bien un moyen de circonvenir leur propre insuffisance, et l’école, par où les enfants leurs échappent. Impossible d’y apposer la lecture de leur monde d’épicier. Ils n’ont connu que ça, l’épicerie.
*
La droite engrange ce qu’elle a semé. Elle fait peur, et passe au pouvoir pour rassurer.
*


(1) Otar Iosseliani est un cinéaste géorgien travaillant en France. Il est né le 2 février 1934 à Tbilissi. D. M. fait sans doute allusion au film “Les Favoris de la lune” de 1984.
(2) Werner Schroeter : “De l’Argentine” (Zumbeispiel Argentinien, 1986). Né à Georgenthal (Thuringe), Werner Schroeter suit des études de psychologie à l’université de Mannheim, puis exerce la profession de journaliste de 1964 à 1966 avant de s’orienter vers le monde du spectacle en 1967. Il commence une carrière de cinéaste expérimental, concevant notamment un film (Neurasia, 1969) destiné à être projeté sur deux écrans simultanément.




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