lundi 13 avril 2009

ATTABLÉS

A table l'air d'une carcasse à l'abattoir, un sida écorché comme une momie, jeune et voûté, me reproche d'avoir choisi des livres à la junkie, "Féerie pour un tueur" de Céline. "On ne donne pas ça à lire à une malade, t'es un salaud, je l'ai parcouru, j'connais pas, j'sais pas, mais c'est dégueulasse, dégoûtant". Je ris. Il tremble ; change de table. "Des cas sociaux" me prévient le médecin, "y a plus malade que vous, prenez vos précautions". Un vieux gardien va de salle en salle me trouve face à un ciné-club et me demande : "- C'est qui ?" "Michel Simon et Viviane Romance". "- C'est qui ? Connais pas". Plus d'un français sur deux ignore son siècle. "Vous savez j'ai été routier une partie de ma vie, la vedette que j'aimais bien c'était Claude François".

Moi sur mon balcon d'où j'ai envie de me précipiter chaque jour, mes zios réclament mes biscuits, avec un coup d'aile devant la fenêtre. En échange ils chient. Sur la rampe les zios effrayés me font de l'oeil, ramassent et s'aiment, sèment des gouzis gouzis, miettes de mes gâteaux. Effarés. Mon intransigeance de la beauté. Je n'en fais pas mystère. Mon excuse de parler. Pour un plateau de chiures de merde. Partir. Entre cobayes et assistés je n'en puis plus, de m'ennuyer, de m'attrister de leur sort, kamikaze tous les jours dans la montagne, les muscles des jambes m'en font mal, à me calmer, en montée. J'ai vu les caniches, les marlous, les valets. Me voilà bien jambé. D'autres personnes prennent le relais de me sourire, une jeune fille, une femme, des grand-mères, une m'enchante de ses vieux refrains et mes voisines de chambre m'invitent à leur table. J'hésite. Les grand-mères c'est gâteau... Je discute avec deux patients affaiblis par l'établissement... Je me sauve à temps. L'institution désempare. Tous, nos promenades dans la montagne en solitaire sont plus courtes, l'envie passe... Ne jamais revenir dans le même endroit.

Penser à tout, se déplacer, viril, voyager, pas masculin mais sexué, avec son vice individuel, les choses reviennent, tout est réglé en heure, on fait le point, une solution la même, prendre les jambes à son cou. A chaque lieu on découvre la route à fuir de nouvelles règles, avant qu'elles ne nous nient ; les privilèges ne durent pas. Ficelles à trouver pour tenir le pantalon qui s'esclaffe ! Je subis la vie plus forte que moi. Des infirmières prennent le temps de me parler, elles n'en ont pas le droit, mal vu, considéré comme du non-travail ; de la fainéantise. C'est pas prévu. Du supplément. J'ouvre au flair la lettre fermée que je dois remettre à mon médecin de Paris, car celui qui me donnait 30 secondes à ses visites le matin m'y décrit "conflictuel", avec "des thèmes de type persécutif". Dans les marges je fais une explication de texte sacquée. Soigné ? Considéré coupable de mon comportement maladif.

"Devine qui vient à l'hosto, ce soir ?" titre dans un encart le journal libération. Visite surprise de Kouchner ministre de la santé", il discute avec l'infirmière-chef. On évoque le projet de passerelle entre la profession d'infirmier et d'infirmier-psy, en attendant un diplôme commun. L'idée ne plaît pas à l'infirmière : "Ce n'est pas le même travail". "- Qu'est-ce que vous pensez d'un diplôme universitaire pour les infirmières ?". " - Universitaire ou pas, elles doivent être performantes. Ce n'est pas un diplôme universitaire qui changera les rapports entre médecins et infirmières".


http://www.decidemarcel.fr/

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