mardi 28 avril 2009

LE MONTAGE IDÉAL | (essai) | MUR

Lac Sap Y Lag & Lecram Ecidèd
(Décidé Marcel & Pascal Galy)



LE MONTAGE IDÉAL


(essai)


MUR

CAR S’IL EN A MARRE L’HOMME, IL FAUT QU’IL DORME !


Je travaille à jouer.
Je cherchais depuis longtemps en dormant quelque mystère.


Mais il n’y a que la vie directe, sentie. Un foisonnement.


J’avais foi dans les rêves. C’est en me déplaçant, en voyageant et en dormant jusque dans une ville murale, étagée à flanc de montagne jetée abrupte dans la mer, Positano en Italie, que j’ai trouvé un début de réponse, une vision.

À parfaire une beauté lointaine entre sensation, architecture, 
et mémoire.
Le rêve d’un mur.

AH ! LA DÉMANGEAISON D’LA VISION !

1981 — POSITANO — VILLE VERTICALE EN ALVÉOLES —


Une passeuse m’invite à m’y déplacer,
m’y rejoint peut-être.

Dans un rêve, écho d’autres rêves, je ne cesse d’être hué par une bande de garçons, parmi des dunes de sable qui montent et qui descendent, je cours, j’halète, poursuivi, rattrapé. Ils s’attachent à mes pas. Le sable me freine. Le danger repoussé est imminent, invariable, angoissant et sans conclusion.

Dans mon second et fameux rêve, je conduis les foules, et les nuages, qui roulent, démiurge ou délinquant je prédis et bouscule l’ordre des choses. Tout bascule dans un moi délirant qui programme son plaisir et rît de ses farces.

Tout s’est cassé en une myriade d’éléments du rêve les plus tenaces. Et ces miettes d’instants forts du rêve qui se dénoue, brillent solitaires, vitrail éphémère.
Il raconte des gestes furtifs, des regards arrêtés, des morceaux de paysage. C’est un prisme coloré fait d’arcs, de ponts, de soleils, de fenêtres et de visages, d’idées.

Tout se rompt, tout se mêle, mes exploits, mes raisons, mes pourquoi.
Voulant se résumer ma mémoire entasse résumé sur résumé, faute de savoir quel est le meilleurs. Mais c’est que tout s’explique en autant de possibles. S’embrouille ? en un découpage de parcours.
Avant que tout ne s’évanouit il y a comme une dernière vision.
Une architecture totale composite et fragile. Tout se dissout pâle vision confondue avec la toile noire des nuits murées et muettes.
À ce rêve de Positano, citée irréelle,
je découvris plus tard une similitude au rêve de Victor Hugo, en prélude à son livre La légende des siècles.
« la vision d’où vient ce livre ». Il s’attache à sa description, « J’eus un rêve, le mur des siècles m’apparut », « ce bloc flottait ».
Un mur géant de cases vivantes, de mémoires, un édifice de multitude… « comme un arbre au zéphyr » … « trous noirs, noirs étoilés par de farouches yeux ».


Frottez vos yeux fermés. Vous avez une constellation, rosace des mystiques, dessins des cavernes des premiers hommes, motifs récurrents. D’une étoile à l’autre l’homme formalise des figures.


Représenter géométriquement les choses comme des formes évoluant dans le temps… distribuées dans l’espace et le temps… dessinées, réparties dans l’espace, répétées. Description géométrique possible de la nature. Le monde est entièrement représentable par « figures et mouvements ». Descartes.


Je parle d’un enchevêtrement qui tétanise, trop (trou) de mémoire, l’enchevêtrement des actions, des pensées de l’homme, de son corps, je parle d’une défaite, et je parle d’une euphorie, d’une enjambée plus grande, une écriture sur musique.
Un vœu pieux parce que j’entends des chuintements des vitesses ?, je vois des éclairs…
… une mise en résonance d’espaces distincts.


Découvrir l’introduction de Victor Hugo, son mur formidable, un condensé de l’Histoire, une juxtaposition d’intempéries, de pans de mémoire qui se jouent en même temps…
ses propres enchaînements (dont on (ne) peut de défaire).


La Légende des Siècles
Victor Hugo

LA VISION D’OÙ SORTI CE LIVRE

« J’eus un rêve : le mur des siècles m’apparut.

C’était de la chair vive avec du granit brut,
Une immobilité faite d’inquiétude,
Un édifice ayant un bruit de multitude,
Des trous noirs étoilés par de farouches yeux,
Des évolutions de groupes monstrueux,
De vastes bas-reliefs, des fresques colossales ;
Parfois le mur s’ouvrait et laissait voir des salles,
Des antres où siégeaient des heureux, des puissants,
Des vainqueurs abrutis de crime, ivres d’encens,
Des intérieurs d’or, de jaspe et de porphyre ;
Et ce mur frissonnait comme un arbre au zéphire ;
Tous les siècles, le front ceint de tours ou d’épis,
Étaient là, mornes sphinx sur l’énigme accroupis ;
Chaque assise avait l’air vaguement animée ;
Cela montait dans l’ombre ; on eût dit une armée
Pétrifiée avec le chef qui la conduit
Au moment qu’elle osait escalader la Nuit ;
Ce bloc flottait ainsi qu’un nuage qui roule ;
C’était une muraille et c’était une foule ;
Le marbre avait le sceptre et le glaive au poignet,
La poussière pleurait et l’argile saignait,
Les pierres qui tombaient avaient la forme humaine.
Tout l’homme, avec le souffle inconnu qui le mène,
Ève ondoyante, Adam flottant, un et divers,
Palpitaient sur ce mur, et l’être, et l’univers,
Et le destin, fil noir que la tombe dévide.
Parfois l’éclair faisait sur la paroi livide
Luire des millions de faces tout à coup.
Je voyais là ce Rien que nous appelons Tout ;
Les rois, les dieux, la gloire et la loi, les passages

Des générations à vau-l’eau dans les âges ;
Et devant mon regard se prolongeaient sans fin
Les fléaux, les douleurs, l’ignorance, la faim,
La superstition, la science, l’histoire,
Comme à perte de vue une façade noire.

Et ce mur, composé de tout ce qui croula,
Se dressait, escarpé, triste, informe. Où cela ?
Je ne sais. Dans un lieu quelconque des ténèbres.

*

Il n’est pas de brouillards, comme il n’est point d’algèbres,
Qui résistent, au fond des nombres ou des cieux,
À la fixité calme et profonde des yeux ;
Je regardais ce mur d’abord confus et vague,
Où la forme semblait flotter comme une vague,
Où tout semblait vapeur, vertige, illusion ;
Et, sous mon œil pensif, l’étrange vision
Devenait moins brumeuse et plus claire, à mesure
Que ma prunelle était moins troublée et plus sûre.

*

Chaos d’êtres, montant du gouffre au firmament !
Tous les monstres, chacun dans son compartiment ;
Le siècle ingrat, le siècle affreux, le siècle immonde ;
Brume et réalité ! nuée et mappemonde !
Ce rêve était l’histoire ouverte à deux battants ;
Tous les peuples ayant pour gradins tous les temps ;
Tous les temples ayant tous les songes pour marches ;
Ici les paladins et là les patriarches ;
Dodone chuchotant tout bas avec Membré ;
Et Thèbe, et Raphidim, et son rocher sacré
Où, sur les juifs luttant pour la terre promise,
Aaron et Hur levaient les deux mains de Moïse ;
Le char de feu d’Amos parmi les ouragans ;
Tous ces hommes, moitié princes, moitié brigands,
Transformés par la fable avec grâce ou colère,
Noyés dans les rayons du récit populaire,
Archanges, demi-dieux, chasseurs d’hommes, héros
Des Eddas, des Védas et des Romanceros ;
Ceux dont la volonté se dresse fer de lance ;
Ceux devant qui la terre et l’ombre font silence ;
Saül, David ; et Delphe, et la cave d’Endor
Dont on mouche la lampe avec des ciseaux d’or ;
Nemrod parmi les morts ; Booz parmi les gerbes ;
Des Tibères divins, constellés, grands, superbes,
Étalant à Caprée, au forum, dans les camps,
Des colliers que Tacite arrangeait en carcans ;
La chaîne d’or du trône aboutissant au bagne.


Ce vaste mur avait des versants de montagne.
Ô nuit ! Rien ne manquait à l’apparition.
Tout s’y trouvait, matière, esprit, fange et rayon ;
Toutes les villes, Thèbe, Athènes, des étages
De Romes sur des tas de Tyrs et de Carthages ;
Tous les fleuves, l’Escaut, le Rhin, le Nil, l’Aar,
Le Rubicon disant à quiconque est césar :
— Si vous êtes encor citoyens, vous ne l’êtes
Que jusqu’ici. — Les monts se dressaient, noirs squelettes,
Et sur ces monts erraient les nuages hideux,
Ces fantômes traînant la lune au milieu d’eux.
La muraille semblait par le vent remuée ;
C’étaient des croisements de flamme et de nuée,
Des jeux mystérieux de clartés, des renvois
D’ombre d’un siècle à l’autre et du sceptre aux pavois,
Où l’Inde finissait par être l’Allemagne,
Où Salomon avait pour reflet Charlemagne ;
Tout le prodige humain, noir, vague, illimité ;
La liberté brisant l’immuabilité ;
L’Horeb aux flancs brûlés, le Pinde aux pentes vertes ;
Hicétas précédant Newton, les découvertes
Secouant leurs flambeaux jusqu’au fond de la mer,
Jason sur le dromon, Fulton sur le steamer ;
La Marseillaise, Eschyle, et l’ange après le spectre ;
Capanée est debout sur la porte d’Électre,
Bonaparte est debout sur le pont de Lodi ;
Christ expire non loin de Néron applaudi.
Voilà l’affreux chemin du trône, ce pavage
De meurtre, de fureur, de guerre, d’esclavage ;
L’homme-troupeau ! cela hurle, cela commet
Des crimes sur un morne et ténébreux sommet,
Cela frappe, cela blasphème, cela souffre,
Hélas ! et j’entendais sous mes pieds, dans le gouffre,
Sangloter la misère aux gémissements sourds,
Sombre bouche incurable et qui se plaint toujours.
Et sur la vision lugubre, et sur moi-même
Que j’y voyais ainsi qu’au fond d’un miroir blême,
La vie immense ouvrait ses difformes rameaux ;
Je contemplais les fers, les voluptés, les maux,
La mort, les avatars et les métempsycoses,
Et dans l’obscur taillis des êtres et des choses
Je regardais rôder, noir, riant, l’œil en feu,
Satan, ce braconnier de la forêt de Dieu.

*

Quel titan avait peint cette chose inouïe ?
Sur la paroi sans fond de l’ombre épanouie
Qui donc avait sculpté ce rêve où j’étouffais ?
Quel bras avait construit avec tous les forfaits,
Tous les deuils, tous les pleurs, toutes les épouvantes,

Ce vaste enchaînement de ténèbres vivantes ?
Ce rêve, et j’en tremblais, c’était une action
Ténébreuse entre l’homme et la création ;
Des clameurs jaillissaient de dessous les pilastres ;
Des bras sortant du mur montraient le poing aux astres ;
La chair était Gomorrhe et l’âme était Sion ;
Songe énorme ! c’était la confrontation
De ce que nous étions avec ce que nous sommes ;
Les bêtes s’y mêlaient, de droit divin, aux hommes,
Comme dans un enfer ou dans un paradis ;
Les crimes y rampaient, de leur ombre grandis ;
Et même les laideurs n’étaient pas malséantes
À la tragique horreur de ces fresques géantes.
Et je revoyais là le vieux temps oublié.
Je le sondais. Le mal au bien était lié
Ainsi que la vertèbre est jointe à la vertèbre.
Cette muraille, bloc d’obscurité funèbre,
Montait dans l’infini vers un brumeux matin.
Blanchissant par degrés sur l’horizon lointain,
Cette vision sombre, abrégé noir du monde,
Allait s’évanouir dans une aube profonde,
Et, commencée en nuit, finissait en lueur.

Le jour triste y semblait une pâle sueur ;
Et cette silhouette informe était voilée
D’un vague tournoiement de fumée étoilée.

*

Tandis que je songeais, l’œil fixé sur ce mur
Semé d’âmes, couvert d’un mouvement obscur
Et des gestes hagards d’un peuple de fantômes,
Une rumeur se fit sous les ténébreux dômes,
J’entendis deux fracas profonds, venant du ciel
En sens contraire au fond du silence éternel ;
Le firmament que nul ne peut ouvrir ni clore
Eut l’air de s’écarter.

*

Du côté de l’aurore,
L’esprit de l’Orestie, avec un fauve bruit,
Passait ; en même temps, du côté de la nuit,
Noir génie effaré fuyant dans une éclipse,
Formidable, venait l’immense Apocalypse ;
Et leur double tonnerre à travers la vapeur,
À ma droite, à ma gauche, approchait, et j’eus peur
Comme si j’étais pris entre deux chars de l’ombre.

Ils passèrent. Ce fut un ébranlement sombre.
Et le premier esprit cria : Fatalité !

Le second cria : Dieu ! L’obscure éternité
Répéta ces deux cris dans ses échos funèbres.

Ce passage effrayant remua les ténèbres ;
Au bruit qu’ils firent, tout chancela ; la paroi
Pleine d’ombres, frémit ; tout s’y mêla ; le roi
Mit la main à son casque et l’idole à sa mitre ;
Toute la vision trembla comme une vitre,
Et se rompit, tombant dans la nuit en morceaux ;
Et quand les deux esprits, comme deux grands oiseaux,
Eurent fui, dans la brume étrange de l’idée,
La pâle vision reparut lézardée,
Comme un temple en ruine aux gigantesques fûts,
Laissant voir de l’abîme entre ses pans confus.
Lorsque je la revis, après que les deux anges
L’eurent brisée au choc de leurs ailes étranges,
Ce n’était plus ce mur prodigieux, complet,
Où le destin avec l’infini s’accouplait,
Où tous les temps groupés se rattachaient au nôtre,
Où les siècles pouvaient s’interroger l’un l’autre
Sans que pas un fît faute et manquât à l’appel ;
Au lieu d’un continent, c’était un archipel ;
Au lieu d’un univers, c’était un cimetière ;
Par places se dressait quelque lugubre pierre,
Quelque pilier debout, ne soutenant plus rien ;
Tous les siècles tronqués gisaient ; plus de lien ;
Chaque époque pendait démantelée ; aucune
N’était sans déchirure et n’était sans lacune ;
Et partout croupissaient sur le passé détruit
Des stagnations d’ombre et des flaques de nuit.
Ce n’était plus, parmi les brouillards où l’œil plonge,
Que le débris difforme et chancelant d’un songe,
Ayant le vague aspect d’un pont intermittent
Qui tombe arche par arche et que le gouffre attend,
Et de toute une flotte en détresse qui sombre ;
Ressemblant à la phrase interrompue et sombre
Que l’ouragan, ce bègue errant sur les sommets,
Recommence toujours sans l’achever jamais.

Seulement l’avenir continuait d’éclore
Sur ces vestiges noirs qu’un pâle orient dore,
Et se levait avec un air d’astre, au milieu
D’un nuage où, sans voir de foudre, on sentait Dieu.
De l’empreinte profonde et grave qu’a laissée
Ce chaos de la vie à ma sombre pensée,

De cette vision du mouvant genre humain,
Ce livre, où près d’hier on entrevoit demain,
Est sorti, reflétant de poëme en poëme
Toute cette clarté vertigineuse et blême ;
Pendant que mon cerveau douloureux le couvait,
La légende est parfois venue à mon chevet,
Mystérieuse sœur de l’histoire sinistre ;
Et toutes deux ont mis leur doigt sur ce registre.

Et qu’est-ce maintenant que ce livre, traduit
Du passé, du tombeau, du gouffre et de la nuit ?
C’est la tradition tombée à la secousse
Des révolutions que Dieu déchaîne et pousse ;
Ce qui demeure après que la terre a tremblé ;
Décombre où l’avenir, vague aurore, est mêlé ;
C’est la construction des hommes, la masure
Des siècles, qu’emplit l’ombre et que l’idée azure,
L’affreux charnier-palais en ruine, habité
Par la mort et bâti par la fatalité,
Où se posent pourtant parfois, quand elles l’osent,
De la façon dont l’aile et le rayon se posent,
La liberté, lumière, et l’espérance, oiseau ;
C’est l’incommensurable et tragique monceau,
Où glissent, dans la brèche horrible, les vipères
Et les dragons, avant de rentrer aux repaires,
Et la nuée avant de remonter au ciel ;
Ce livre, c’est le reste effrayant de Babel ;
C’est la lugubre Tour des Choses, l’édifice
Du bien, du mal, des pleurs, du deuil, du sacrifice,
Fier jadis, dominant les lointains horizons,
Aujourd’hui n’ayant plus que de hideux tronçons,
Épars, couchés, perdus dans l’obscure vallée ;
C’est l’épopée humaine, âpre, immense, — écroulée. »

Guernesey. — Avril 1857.


FLASH-BACK 1979 AMSTERDAM.

Première vision. Premiers effet de bon haschich. Une vision multipliée — un bonheur de lumières dépliées, géométriques. Aussitôt cases entachées d’un œil noir ricanant la découverte, ironique et cruel. L’idéal toujours peu pratiqué ; les paradoxes ; tout vanité dévore la vie ; et, nous jouons à faire.

Mosaïque obscurcie du devoir d’être un homme, s’appesantir d’actes. Dans cette ville-passage une jeune fille et moi voyagions sur des canaux toujours accoudés en partance sur un pont, sans bouger, hallucinés. Amsterdam le grand amour. Et un souhait de rester marginal à l’écart de la production, d’être au balcon de rebord de fenêtres à rebords de fenêtres…

Assemblage, incapable d’agir et mille éclats d’amour, je vis avec une rétention une odyssée de rêves à rebours, grande porte des portes, spectateur-captateur, sans choisir je vois le cinéma du monde.
Comment faire ?, je devais m’arranger avec le monde.
Faisant si mal je fais le fuir. À la bonne vitesse. Un bonheur architectural.

À Amsterdam, entre l’angoisse d’être sur terre et le sommeil de l’univers, il y a un chapiteau de géométries…

…une vision, un bonheur d’architecture ; un passage, une porte de la ville, une vitre-miroir, une montagne, arche, à diffractionnement, à arrangements ?, à prendre subrepticement ce diamant, la vie,
ce bonheur là, le miroir dans la ville, ses marches, ne pas les prendre, ses pierreries, moi en Arlequin-Bowie, marginal de la société, plaisir-miroir pris à la dérobée, et resté dans le mouvement, entre deux mondes, à la porte du monde… sans entrer. J’ai vu la mort, je ne supportais pas l’envahissement imposant d’un même regard juge et moqueur. J’eus peur.

J’ai vu que je voulais avoir, que je voulais prendre alors c’était affreux ! (Calculer le bonheur ?) Alors j’étais plus affreux je prendrai rien même du bonheur. (Calculs) Je suis allé à la cinémathèque à toutes les heures.


ARCHIVE


« L’un après l’autre, sur la pierre meurtrie, reviennent à ses yeux les épisodes familiers de la noble légende » KIM de Kipling.

Vision murale, optimiste, mémoire portée par l’architecture qui archive les textures d’images. Dramatiques.

L’Architecture pacifie, réunie le surplus d’images, textures à inventer, succession, hiérarchie, juxtaposition, permanence, immédiateté, simultanéité…
L’architecture résume les contradictions, être et ne pas être, il faut tout assumer, la coïncidence des contraires. Espaces intriqués d’autres espaces.
« S’il te plaît d’oublier », ce qu’on oublie toujours de relier, dont on a plus rien à foutre : une bâtisse.

Un objet absolument nouveau comme s’il se fut agi d’une bâtisse.
Gardienne des images. Musée.


Il a la tête prise entre entre ses deux mains.
Un bruit : une paroi du mur coulisse.
Une fenêtre s’ouvre.
Le regard douloureux et le front studieux
il observe son double.
Surpris, naïf, il se parle avec gravité
de son paysage ensoleillé,
et vide de tout autre silhouette que la sienne,
qui tremble au bord du cadre.
Seule sa parole se fait entendre.
Elle fabrique des images familières
et transparentes
qui s’évanouissent malignement.
Elle s’étale et couche des morts.


MONOCLE (PROJECTION)

C’est comme si j’avais fait un souhait à Amsterdam, de n’être qu’hors du social, (social : là où il n’y a pas de désirs — j’entends pouvoir inventer son travail), et je regardais toujours stupéfait ; on m’a toujours dit « tu me regarde énormément, pourquoi ? ».

Et le malin me tira à lui la couverture, à obscurcir l’architecture 
de l’esprit, à rigoler le rideau de scène, à chaque facette du diamant.
…CONSCIENCE NÉGATIVE… selon les chamans, le malade de l’esprit a son âme prisonnière quelque part, il cherche où est le mal.
À Amsterdam, de ce souhait de passer underground ; je me raptais.
Malin et voleur depuis 10 ans.

Le chacal est le guide de l’âme (Égypte).

Être conscient pour ne pas être mort.


Je me suis détaché, délivré. Seul, enfin, seul ! Au loin, béatitude, que j’aime d’autant plus tout ceux que je veille. Positano.

Ce que c’est d’avoir vingt ans, quand voulant mourir 
il ne reste que le regard.

Pèlerinage de mes lieux de défaites, de mes rues désertes, 
en border-line.

« Imaginez qu’elles me reviennent les émotions, les regards d’état lumineux de conscience, et que l’amour soit le plus fort » d’après Charles Trenet.
Tous ces moments perméables, poreux, je revois leur écho, lumières, où même les claques ne sont que les coups d’œil 
de l’éventail, des paupières.
Tout est regard.
La vision en mosaïque
comme les insectes
ou les premiers reptiles
« le troisième œil »

La mémoire, la vitesse et le temps,
en mouvements de panneaux coulissants,
frontales et à étages,
glissante dans des directions, en même temps
dans l’instant

LE MONTAGE IDÉAL.

Si on respire on a une image.
C’est à dire si on écoute, son bougé.
Respirer les variations de lumière, un gris transporté.

On recherche tous un montage idéal des sensations,
un équilibre, dans l’instant.
Par la musique la mémoire travaille au montage,

JARDIN

Architecture vivante, les pieds dans la mer ? retrouvée au hasard d’une lecture, Le monde vert (Hothouse - 1962) de Brian W. Aldiss, roman d’anticipation sur le règne végétal : des personnages trouvent une île, et une muraille d’yeux qui abrite une grotte qui régénère tout en elle, en vert, de vie.


LE MONDE VERT - BRIAN W. ALDISS, éditions J’AI LU.

« C’était comme si des millions de regards invisibles étaient braqués sur eux… se dressait une falaise abrupte, grisâtre et percée d’alvéoles… ils avaient l’impression de marcher sur le visage d’un géant endormi… -La falaise tombe sur nous !…- C’est une montagne magique… l’immense paroi paraissait plus menaçante que jamais…
…quelque chose remua. Les yeux vides - on ne pouvait plus s’y tromper : c’était bien des yeux - se mirent à tourner. Toutes ensembles les innombrables prunelles de la falaise pivotaient comme pour regarder vers la mer. Fascinés par l’intensité du multiple regard de la pierre… les eaux grises… Subitement, l’étendue marine parut se plisser. La pluie s’abattit en trombe… qui transperçait la peau… l’île - ou la falaise - donna de la voix… Le son… se répandait sur la terre et la mer à l’instar de la pluie ; chaque décibel était comme une goutte dont on éprouvait physiquement le poids… le monde s’était rétréci… Le monstre haletait… La pluie l’enveloppait de ses voiles de grisailles… on aurait dit quelque grotesque symbole de la douleur… la tour de pierre. Celle-ci était creusée d’une vaste grotte où l’empreinte du monstre menait directement, silencieuse et vide comme une bouche fixée dans éternel bâillement… ils se jetèrent dans la caverne… les yeux de pierre aux regards vigilants soulevaient leurs paupières… Les yeux de pierre continuaient à s’ouvrir en nombre toujours plus grand, dardant leurs regards vers le groupe… Alors eut lieu ce à quoi Gren donna par la suite nom de Mirage. Les yeux de la pierre étaient presque ouverts. Le temps s’arrêta… comme s’il allait prendre son vol.
…devenir la chute sans fin d’une goutte de pluie, d’un grain de sable à jamais tombant dans le sablier de l’éternité.
Atteindre enfin l’infini du non-être… l’infinie richesse de la non-existence… devenir Dieu… l’alpha et l’oméga de sa propre création… dicter sa loi à une chaîne cliquetante de mille millions de verts univers… papillonner parmi les masses incréées de matériaux vert attendant dans la vaste antichambre de l’être. …

Car il volait, bien sûr ! Ces atomes de poussières euphoriques n’étaient-ils pas les êtres… lui ou quelqu’un

… Ils voletaient dans le ravissement d’un impossible univers vert, au sein d’un élément différent de l’air, emportés par un flux hors du temps. Ils volaient dans la lumière. Ils rayonnaient de lumière. Et ils n’étaient pas seuls. Tout leur faisait cortège. La vie, simplement, s’était substituée au temps : la mort avait fui. Les horloges n’égrenaient que les heures de la fertilité.

… — un rêve… 
un rêve ayant trait à une plage de sable et à une pluie grise.

… Ils étaient entrés dans le mirage ineffable… Certitude qu’ici, il y avait assez de place pour que tout puisse croître et se développer sans obstacle et à jamais si besoin en était,

Bonheur total de s’accomplir dans ce vol sans effort, éternel, qui était l’âme même de l’être, qui était chant et qui était danse, hors du temps, hors de toute mesure et de toute souffrance. S’accomplir. Verdir…

- Admis… où celà ?
C’était tellement beau

… Quand tes lointains ancêtres étaient les maîtres, ils avaient un moyen de remédier au surpeuplement de leurs jardins : la transplantation ou le sarclage. Et voici que la nature à inventé son propre jardinier. Les rochers se sont convertis en relais. Il est probable qu’il existe des stations semblables à celle-ci le long de toutes les côtes… des stations à partir desquelles les choses presque entièrement dépourvues d’intelligence, les plantes peuvent être transplantées autre part.
— Mais où cela ?
Il y eut comme un soupir quelque part dans les corridors de son esprit.

… Oh ! perdre d’un seul coup cet inimaginable et éclatant havre de grâce…
…un million d’yeux, disant « Non », le chassaient, le repoussaient vers le monde auquel il appartenait.

… les bras en croix* sur le sable, pétrifié dans une posture qui était une cruelle parodie du vol. Il était seul. Dédaigneux, les yeux de pierre s’étaient refermés.
La pluie tombait toujours.

Oui, il faudrait fuir.

Ce monde n’était peut-être pas un paradis mais il était possible d’en tirer parti d’une certaine façon.»

*croix : voir SYMBOLES.
Se réunir pour puiser dans le cercle, ivres de points.
- Viens prendre le café chez nous.
Dormir. Pluie, pépiement. Dormir pour entendre ce qu’on sait.
La nuit, ce qu’elle essaie de me dire en dormant, la nuit se mire, seules le matin les voix interactives, confirment, compilent les mêmes fleurs.


Saint-François de Sales — INTRODUCTION À LA VIE DÉVOTE —

PRÉFACE.

Mon cher Lecteur, je te prie
de lire cette Préface pour
ta satisfaction &
la mienne.

La bouquetière Glycera savait si proprement diversifier la disposition et le mélange des fleurs, qu’avec les mêmes fleurs elle faisait une grande variété de bouquets ; de sorte que le peintre Pausias demeura court, voulant contrefaire à l’envi cette diversité d’ouvrages : car il ne sut changer sa peinture en tant de façons comme Glycera faisait ses bouquets ; ainsi le Saint-Esprit dispose et arrange avec tant de variété les enseignements de dévotion qu’il donne par les langues et les plumes de ses serviteurs, que la doctrine étant toujours une même*, les discours néanmoins qui s’en font, sont bien différents selon les diverses façons desquelles ils sont composés. Je ne suis certes, ni veux, ni dois écrire en cette Introduction, que ce qui a déjà été publié par nos prédécesseurs sur ce sujet. Ce sont les mêmes fleurs que je te présente, mon Lecteur : mais le bouquet que j’en ai fait sera différent des leurs, à raison de la diversité de l’agencement dont il est façonné.

*la même.


http://www.decidemarcel.fr/

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