lundi 13 avril 2009

VOIR VENIR ET DANSER

Croire en l'opacité. Voir venir et danser. Ne pas avoir
peur d'être l'étranger. Avec la Chose, ou le Vide, ou
Dieu, fondés sur la parole, qui est mensonge, le
commandement préserve la distance. Ainsi où c'était
j'adviens. Nulle part. Ressemblance impossible. Muette.
Moi j'm'en balance, inhumain, je danse un nous innommable.
Parler c'est fatal. C'est paré, séparé.

Mon médecin me demande ce que je lis ?
- Un rapport de recherche de psychanalystes.*
Il lève les bras au ciel. Pourtant les psychanalystes
de banlieue du 14è secteur en équipe, disent des choses
bien. Leur médecin-chef : "L'hospitalisation propulse
les malades dans un lieu clos où ils retrouvent
leur puissance mais aucun horizon".
Aller me promener.

Monter sur scène pour se faire casser la gueule... Où je suis ? J'ai chanté, clown désirable, "Hôpital c'est fatal" sur scène, le 14 juillet, à l'hôpital. Le groupe m'avait bizuté, "il ne faut pas chanter quelque chose de choquant, y a des handicapés (et moi alors?), y faut du chaud au coeur". Contre cette lâcheté, ma prudence, ma surprise était de réserver ma chanson, de la glisser entre deux autres déclarées, en sandwich. Mais pour deux chansons je me découvre tronçonné, un bout par ci, un autre bout de corps là. Chacun accepte la même séparation, une apparition, une disparition. Découpé. L'animateur prend le pouvoir. L'habitude de censurer. Il fera le fakir. "Sans lui on n'aurait pu rien faire". Devant tous. Après la Révolution, c'est le Comité de Salut Public, la Terreur, s'en remettre au chef qui de lui à moi comme tous m'accorde, mais me traire de "malade" en pâture devant tout l'atelier. "Gauchiste", dit le chanteur Corse peignant la tête Corse pour le spectacle. La veille je l'avais défendu celui-là. La monitrice lui disait :
- C'est de la provocation, on est ici chez les militaires. Et c'est désobligeant pour les animateurs. Je boue pendant quelques minutes :
- Alors on serait chez les militaires ?
- Oui à 90%.
- On est chez l'Etat ici. On est pas chez les militaires ni chez l'Animatrice. Les malades passent les fonctionnaires restent. L'Etat c'est nous. (Vérification, c'est à 50% l'Etat et 50% privé).
- C'est la Révolution !
- Justement.
- Bon je découpe une cocarde bleue, tout le monde voit rouge.
Tous ont des yeux soucoupes et la taille de tasses. Le Corse "- Moi j'suis bien dans ma peau,lalala". "- Tu chantes pas avec le coeur". "- Non le cul". "- Justement ça pue". Il a fallu me battre ; et me débattre. - Je ne veux pas mon corps en morceaux, des chansons ne peuvent être démembrées, on m'a déjà rossé, ça continue ! Vous ne connaissez rien au spectacle. Un public ça se tient, pas en morceaux.
- T'es parano, mets pas tes problèmes de malade en avant, saisit le moniteur. Tu f'ras rien alors. On a pas besoin de toi.
- Je suis clair. Si les autres acceptent le désêtre, de ne pas exister, c'est leur problème. Je n'ai pas besoin de vous.
- Tu te prends pour une star.
- Ouais vous coupez des têtes.
- Désormais appelle-moi Robespierre.
- Non, fonctionnaire.
- Fallait venir organiser le programme.
- J'avais dit mon désir de chansons, et laisser aux initiateurs, pas l'animateur, le soin du spectacle. L'animateur reviendra s'excuser pour me r'engager. Sur scène c'est "Hopi hopi hôpital, c'est fa c'est fa c'est fatal, hopi hopi hôpital, c'est fa c'est fa c'est fâcheux", refrain répété trois fois, et je tends l'oreille, la main en cornet, la salle scande en terminaison tal et cheux. Larges sourires. Gros succès. Habillé d'un tee-shirt blanc inscrit de mes mots fétiches "à vélo sur un fil, rien avant le fil, rien après le fil, à vélo sur un fil", (mais suis-je aussi fort que ma devise ?), déculotté, en tennis blanches, et une croix rouge sur le front, ça parfait le bouquet de fleurs de ma naïveté, bleu, blanc, rouge à la main. Le spectacle nul, excepté le chanteur Corse et une chanteuse en ch'timi, en patois du Nord. Le rideau se tire sur moi avant la 3è. Je garde la scène. L'animateur n'arrête pas d'intervenir avec ses sketches de fakir, c'est lui la vedette. Pendant ce temps mes deux fiancés, l'un se saoule à la ville comme d'hab., l'autre fait son ménage. Ce qui anime les junkies c'est la convoitise. Ce que je ne donnais qu'à eux, ils s'en détournent, donné à tous.

Descente seul à la ville pour le feu d'artifice et le bal ; au pas de porte de l'établissement, le costaud court sur pattes et cave, le tueur de l'ascenseur, ici depuis quatre mois, "un môme" m'approuve le surveillant, commente à d'autres Assis : - Quand on parle du loup, on voit la...". "- Les loups ça mord, même si ça ne fait pas peur". La rumeur veut que je me crois, et méprise les autres. A la cité en bas de la ville un groupe ringard sur estrade anime la fausse fête. La moitié du public ricane mais joue le jeu, bon enfant. L'autre moitié a des yeux malheureux. De jolis lycéens et lycéennes, couples lascifs de garçon-garçon, de fille-fille, ou de garçon-fille me donnent le vertige. J'aime leurs corps, leurs fripes et leurs frimes. Rattrapés par leurs Familles.

*Citation "Le sentiment de la psychogéographe" Annie Vacelet, Paris, 1993.


http://www.decidemarcel.fr/

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