lundi 13 avril 2009

RAMÈNE TON CORPS COCO

- Qu'est-ce qui ne va pas ? Empêché de servir, je n'ai que des rapidités de pensée, l'infortune sans blâme, la haine sans histoire. À l'intérieur une dînette de petits édits. Ce qu'il faudrait c'est des embrassades. Les exaltés de la comédie yeah, yeah, c'est fratophagie fratophagie yeah yaeh.

En maison de repos, l'aide-matériel, ménagère, à piqûres, est obsédé par sa gestion. Ils m'ont foutu dans le béton. Coco ramène ton corps. Comment y échapper ? Je dois y aller dans ces endroits. A sept heures du matin me mettre la quincaillerie dans le cul, ils font la poussière. Pesée, aucune balance n'est réglée pareil mais tant pis. La télé est la vraie guérisseuse, de toutes les machines c'est la plus connue. Pour trois minutes j'ai ma dose d'attention, une grande blague amicale : "On va vous remplir tout ça". Je suis prétexte à comédie musicale. Je suis ici pour faire le point. Je ne sais pas protéger ma lumière. Les malades sont atterrés à table, eux la fête c'est des asperges en entrée un premier mai. Le hasard me fait une bonne table, on se ressemble. À d'autres tables, je me demande si chacune ne serait pas une entité de semblables. Bizarre et réconfortant. Au bout du troisième jour la sienne c'est vite une famille, je me contente de ma tablée d'enfants. Un rituel, je retrouve mes meutes en assiettes, content. Quelle récompense les chemins de randonnées, neiges éternelles, là-haut quel calme le printemps une effluve me fait penser à rien, sinon épars des souvenirs d'enfance ou des îles, les premières impressions sous le soleil exactement. Tempête de neige tous les jours, aussitôt fondue; tourbillonnant, en grimpée dans le désert blanc je navigue sous une hallucinante valse de points. Quelle récompense le kiné. D'émotion j'avais les larmes aux yeux après. Maintenant tous les jours je course les cascades magiques, ou la vision du Mont Blanc sur les hauteurs. Allègrement soigné dans cette clinique éloignée de tout, je me la fais belle, j'en reviens pas. Bonheur de monter les bois. Dans la vie les efforts souvent ne mènent à rien. Ici on voit concrètement le paysage changer, on domine les crêtes, les vallées, nous voilà bien avancés.

Bon gros, gros dos, un brave petit. J'ai pas l'dos assez grand pour tout supporter, je ferme les yeux et j'ouvre les doigts, espérant que ma main saura rattraper ce corps perdu, ce corps de rêves troués, bafoués, aux ressorts cassés. Je me hais tellement souffre-douleur. Toutes mes attaches sont autant de radeaux, de nœuds faits pour ne pas oublier mes oublis, sur la géographie, derrière moi, malgré moi, ma haine n'est que contractions camouflées, j'ai la bosse... qu'a la souffrance, on m'a tiré dans le dos. J'ai perdu les deux tiers de mes muscles. Fondu. Voilà ! Alors la tension est là-haut. Handicapé. Depuis un an ce diagnostic n'est pas fait, c'est moi qui le découvre, ayant demandé à partir au repos. Et on me fait des difficultés, dates suspendues, linge sur un fil. Le service social : "y a plus malades que vous".


http://www.decidemarcel.fr/

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